Les vignerons du Luberon veulent profiter du cadre magnifique de l'appellation pour mieux revaloriser leur production. Et ça marche.

En équilibre entre deux mondes

Le Luberon est un site privilé gié des dieux, par sa lumière, ses couleurs, ses ambian¬ces particulières qui ont ravi les 'Parisiens" stressés. Mais au-delà des clichés de catalogues il y a des populations qui vivent de leur travail, et parmi elles des vignerons at¬tachés à leur terroir, à la qualité d'un vin qu'ils veulent mieux promouvoir.
Le 19 mai, les acteurs de l'AOC Luberon ont organisé à Lourmarin une journée de présentation de l'appellation et des vins qui la composent, Une nécessaire initiative pour une petite appellation qui a très peu communiqué jusqu'à présent et qui a bien conscience des problèmes d'identité que cela peut poser dans un monde qui bouge très rapidement alentour
Rappelons que l'AOC biberon, qui a fêté récemment son 20' anniversaire, ce sont douze caves coopéraives et Marrenon Vignobles en Luberon (contre dix-sept en 1984) ainsi que quarante-cinq caves particulières (contre dix-sept en 1984). La production est de 140 000 hl en 2008 pour 3 275 ha et elle se répartit comme suit : 40 % de rouge, 40 % de rosé et 20 % de blanc. Particularité à signaler rapidement : 80 % des volumes de l'AOC sont fournis par l'Union de caves de Marrenon,
Petite enclave donc, pour une niche de marché très ciblée. Car la particularité géographique du Luberon place l'AOC entre deux entités puissantes : les vins de Provence au Sud et les vins du Rhône au Nord. Plutôt que de se faire broyer en terme d'image par l'une ou l'autre de ces entités, les Luberon ont su prendre le meilleur des deux. La notion de Provence, en termes de notoriété, leur sert à mieux promouvoir leurs vins en direction des touristes et amateurs du monde entier. Lefficacité de la logistique Inter-Rhône, au nord, les a amenés à intégrer cette interprofession pour mieux optimiser leur action.
A partir de là, les producteurs ont retroussé leurs manches et se sont dotés des moyens de leur ambition. Depuis cinq ans, ils ont mis en oeuvre une stratégie de reconquête des marchés, axée sur la "premiumisation" de la gamme. L'appella¬tion a ainsi renoncé à une grande partie de ses ventes en vrac entrée de gamme pour se consacrer au milieu et au haut de gamme. De ce fait, les sorties de chais sont passées de 170 000 hl en 2003 à 100 000 hl en moyenne par an quatre ans plus tard.
Cette politique de qualité s'est tra¬duite par une remontée globale des sorties de chais. Sur un an, par rapport à la campagne 2006-2007, les ventes sont en hausse de 36 %. Par ailleurs, l'appellation a consacré une grande partie de ses efforts à la reconquête de la grande distribution, avec des promotions ciblées sur les vins à plus de 2,50 €. En 2008, elle réalise l'une des meilleures progressions du rayon AOC des grandes surfaces avec + 7,8 % en valeur et + 5,6 % en volume, dans un contexte particulièrement difficile : la vente de VOPRD en grande distribution a en effet recu¬lé de 1,5 % en 2007-2008. Oz avec un prix moyen en GD de 2,40 € la bouteille, l'AOC Côtes du Luberon est la plus valorisée des AOC régionales de la Vallée du Rhône. A noter que les vins du Luberon ont quitté depuis cinq ans les rayons du Hard-discount suite à leur repositionnemer et qu'il ne sera plus question, selon le président de l'AOC, Bertrand Reynaud, de revenir en arrière.
Fort de ces bons résultats, le même Bertrand Reynaud veut conforter l'image des Luberon en refusant de se laisser prendre en tenaille par les tentaculaires interprofessions. Tout

en gardant à distance le CIVP, trop enfermé selon lui dans ses problématiques d'organisation, il compte bien redresser le menton face à l'assurance des vins de la Vallée du Rhône. Sur le plan qualitatif, la petite appellation joue de plus en plus dans la même catégorie et se fera fort de le rappeler à chaque fois aux responsables d'Inter Rhône. Avec qui il s'entend bien par ailleurs.
Dernier point, et non des moindres, l'appellation a bien conscience de la proximité géographique de l'AOC Ventoux. gui se trouve dans la même configuration et avec les mêmes problématiques d'évolution. Deux appellations proches, comparables en terme de volumes et d'offre qualitative, revendiquant les mêmes segments de marché, comment faire prévaloir les caractéristiques de l'une par rapport à l'autre ?... Pour Bertrand Reynaud (voir interview), qui est également producteur en Ventoux, il faut jouer la carte de la fédération en respectant l'identité de chacun et en profitant des opportunités réglementaires qui se profilent avec les AOP et IGP. En l'occurrence, wait and see...
S. Lekhal